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 Eric Dolphy

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3 participants
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Narkotik




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MessageSujet: Eric Dolphy   Eric Dolphy EmptyJeu 27 Mar 2008, 15:44

La sonorité du saxophone d’Eric Dolphy c’est un cri lourd, ample et croissant, si proche de la voix humaine que celle-ci fait figure de déchirure suraiguë sans vie près des éructations de cet instrument-là. Dolphy c’est tout d’abord une silhouette malingre et une peau, non pas noire mais bleue, une chair de poule grêlée de pointillés noirs jusque dans la barbe en frisottis poivre et sel… ses allures de chat pelé, avec son bonnet miteux sur le crâne, semblant toujours à deux doigts de tomber en poussière, cet air aussi de voyou de gouttière orgueilleux qui ne s’en laisse pas conter sous des dehors chétifs…

Le son de Dolphy c’est un tissu finement tramé et si élégamment brodé à la base, qu’on pourra improviser dessus le plus alambiqué, le plus extravagant et le plus tourneboulant des fouillis, exercer son chaos harmonique par grandes éjaculations paradoxales – constellation et catacombes – ébranlant ces bonnes vieilles fondations de notre jazz bénit… Dans le même ordre d’idées, un solo de Dolphy n’est plus un solo mais un séisme, une secousse tellurique dont les giclées grenat viennent maculer comme une hémorragie le cadastre mélodique qu’on avait délimité au départ…

Sur scène il entre sans s’annoncer, royal et cacochyme, à vingt-cinq ans déjà il paraît usé et mourant, toujours légèrement courbé et émoussé par le fardeau des siècles, et semblant soutenir tout le poids de la mémoire des noirs… j’ai cette ancienne vision télévisuelle d’Eric Dolphy revêtu d’un simple pantalon de treillis chiffonné et d’une chemise ouverte dont les pans bariolés et fluides lui flottaient nonchalamment sous les aisselles en dévoilant le petit torse nu et noueux, les abdos en rang serré asséchés par la faim et les pectoraux plats comme des figues, je pense qu’il jouait «Status seeking», ce n’importe quoi venu de quelle planète funk abstraite, et menant la rythmique d’un train d’enfer de tous les anges… aucune trace visible de divin en Dolphy mais un saxophone poussant sans discontinuer d’étranges hurlements comme à l’apparition des esprits ou des spectres, et donc cette question du divin reste indubitablement posée…

La musique de Dolphy – termitière et parturiente ou vague de fange suprême – est comme un bidonville placé au centre du monde. Ses hoquets de rage pure, ses brusques complexités concrètes et ses dédales, toutes les routes qu’elle ouvre à la machette et les détours qu’elle suppose, les ressources qu’elle offre aux relais futurs, tout cela couvre une si gigantesque surface encore inemployée… Dolphy c’est le triomphe de la densité, renforcée à chaque centième de seconde par la prédominance du plein face aux résidus morts du néant…

En fait, c’est peut-être le déchet des hommes qui est vomi par le sax de Dolphy. Cette musique est une invraisemblable boursouflure individualiste et maniaque dont les matériaux hétéroclites s’imbriquent ou non les uns dans les autres, si c’est oui tant mieux mais si c’est non c’est encore de la musique, obéissent ou non aux injonctions de leur géniteur – si c’est oui… – mais poussés à leurs extrémités ils en viennent à former un bloc indépendant et homogène, au bout du compte.

Bien sûr l’art de Dolphy est par essence proliférant et névropathe : dès le premier accord ça pullule de notes travaillant chacune pour elle-même, de bruits inventés par de fausses trompettes bouchées ou de vraies inflexions lumineuses et légères – Dolphy était aussi clarinettiste – ses bouquets de fanfares détournées, ses grappes d’or en cascades pour apaiser la soif éternelle de la quête ultime… La musique de Dolphy, ne l’oublions pas, est nourrie d’influences certes non identifiables mais issues de courants bien précis… le jazz ne dort jamais que d’un œil, souvent sa lippe léonine frémit ou ses paupières tremblent un peu, il peut se réveiller, un jour il va se réveiller…

Quand Dolphy éructe son dépit une combustion instantanée fait chauffer illico la marmite, un truc imperceptible presque mais qui lui confère un cachet unique, reconnaissable entre tous, là le swing est très loin mais c’est un mouvement qui le maintient aussi jusqu’à ce point de rupture au-delà duquel le commun des mortels perdrait le sens de la mesure… le Free de Dolphy, au contraire d’un Jan Garbarek sans doute, n’est pas le fruit tout sec d’une alchimie sophistiquée, mais d’un équilibre toujours précaire, sans cesse compromis, et persistant malgré les accidents de parcours à se délimiter un territoire qui lui soit propre… ou alors, le fragment indistinct de quelque catastrophe toute proche, l’annonce peut-être d’une mousson chez ce petit frère de l’Afrique et de l’Asie mêlées, le signe avant-coureur d’un chaos assumé…

On est saisi de vertige et comme pris dans un vaste va-et-vient d’accordéon dont les soufflets ne sont jamais d’accord. Et dans ce tohu-bohu jaillit et tourbillonne une sarabande d’aspects inédits, d’angles d’écoute bizarres, de perceptions aptes à inspirer désirs moites et trouille de petite fille dans le noir… grondements menaçants, lignes courbes échappant aux contours de la gamme, échafaudages tarabiscotés aux créneaux déglingués, tous ces machins biscornus qui firent tellement peur, en leur temps, aux propriétaires auto-proclamés des bastions du «Grand Jazz» et chamboulèrent tout ensuite. Jusqu’aux consciences elles-mêmes.


plus de connexion internet à partir de demain soir, amitiés à tous (dans ce forum que j'ai davantage lu que pratiqué, mais c'était un réel plaisir d'y être - j'aurais pu dire "d'en être", comme on le dit d'une Aventure)

et bravo Dom's pour ton travail !!!

Wink
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MessageSujet: Re: Eric Dolphy   Eric Dolphy EmptyJeu 27 Mar 2008, 23:43

Bah mais c'est surtout un grand merci à toi pour tes textes, celui de Dolphy ne fait pas de quartier et il est beau par son côté hirsute et presque... punk, allez oui, le mot et laché...
Mais bon, Dolphy hein...
A bientôt j'espère et bravo à toi aussi.
Wink
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MessageSujet: Re: Eric Dolphy   Eric Dolphy EmptyMar 01 Avr 2008, 07:40

J'aime énormément Dolphy, mais plutôt en sideman qu'en leader.
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MessageSujet: Re: Eric Dolphy   Eric Dolphy EmptyMar 01 Avr 2008, 09:40

grand en sideman, c'est sur, comme sur Olé du Trane (même si c'est pas son vrai nom là), sinon en leader, Out To Lunch et Illinois Concert ...oulala...

ps: tiens sur last-fm, dans artistes similaires à Eric Dolphy", là j'écoute Devil Woman du monsieur de ton avatar, un régal...

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MessageSujet: Re: Eric Dolphy   Eric Dolphy EmptyMar 01 Avr 2008, 10:54

Chez Mingus il est grandiose, notamment la tournée de 1964, peu avant sa mort.
Chez Trane il est aussi exceptionnel sur le Live At Village Vanguard mais surtout sur Africa/Brass où il va plus loin en écrivant carrément des arrangements à tomber par terre.
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MessageSujet: Re: Eric Dolphy   Eric Dolphy EmptyMar 01 Avr 2008, 10:58

ah ben tiens, je crois que mon edit et ton post se sont croisés. Je plussoie naturellement, tu me donnes envie de me réécouter Africa et Vangard, je me suis pris le Illinois Concert quand même aussi...abondance ne nuit pas...
Wink
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MessageSujet: Re: Eric Dolphy   Eric Dolphy Empty

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